“L’épopée espagnole”, A. Altarriba/Kim, Denoël

Antonio Altarriba est professeur de littérature française à l’université du pays basque. Avec lucidité et compassion, il nous narre l’odyssée de son propre père à travers les soubresauts et le chaos que génèrent les luttes de pouvoir des syndicats jusqu’à la tête de l’état espagnol en passant par les conspirateurs de tous bords mais aussi, et surtout, le parcours d’un homme simple que ses rêves ont mené de son propre aveu au suicide idéologique et même à renoncer à l’Amour. Pourtant “l’Art de Voler” est tout l’inverse d’une œuvre désabusée mais un manifeste de la quête d’émancipation sociale, de la quête de sens dans une Espagne misérable, bigote et rurale.
Une fois ce premier volet paru ( en 2010), il apparaît en creux , et ce qui est encore plus symptomatique, de manière involontaire, que l’auteur a réservé à sa mère le rôle de la femme dans cette Espagne arriérée : un individu dont la seule utilité est de servir les autres, sans espérances, sans personnalité sinon celle dévolue à la fille au service de ses parents, l’épouse au service de son mari et la mère au service de sa famille. Le deuxième volet “l’Aile Brisée” est donc à la hauteur de la prise de conscience : un témoignage vivant et dense de la condition féminine et de leur courage bien supérieur à celui des hommes. Mais aussi une ode filiale qui rétablit la dignité et l’incroyable bonté de sa mère.
Quand la “petite” histoire intime et valeureuse des parents de l’auteur se confond avec la “grande” Histoire de l’Espagne du XXème siècle, c’est enfin dans une seule et même magnifique édition que nous comprenons viscéralement les ressorts et la trame humaine de ce grand pays convalescent. Un livre indispensable à toute bibliothèque qui se respecte.
– Frédéric –
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