“Joseph Anton : une autobiographie”, S. Rushdie, Plon/Folio

Je crois que j’ai encore du mal à réaliser qu’il y a moins de 30 ans, écrire, publier, traduire, voire même, en tant que libraire, avoir en rayon un livre puisse être un acte militant…et, pour certains, condamnable à mort. Joseph Anton, c’est le pseudonyme que s’est choisi Salman Rushdie en clin d’oeil à Conrad et Tchekhov.
Ce livre est en revanche beaucoup plus que son autobiographie. Difficile de résumer ou de faire justice à la densité de ces 900p…un projet ambitieux et courageux de raconter son histoire, depuis la publication des Versets Sataniques en 89 qui sonne pour lui le glas d’une vie normale, jusqu’à 2002, après les attentats du 11/09. On y glisse de son intimité aux coulisses des hautes sphères du pouvoir à travers la fuite, la réclusion, les menaces et interdits mais aussi à l’intérieur de son laboratoire d’écrivain. C’est également un énorme pan de notre histoire littéraire, artistique et géopolitique contemporaine, une somme d’érudition ; le genre de lecture éclairante à faire avec de quoi prendre note tant les passages qu’on veut garder en mémoire sont nombreux.
Et à l’heure des attentats de Charlie Hebdo ou de la triste attaque sur Rushdie lui-même, c’est un outil très instructif pour mieux comprendre la montée des intégrismes ainsi qu’un formidable témoignage, parfois glaçant, souvent drôle et définitivement passionnant, du combat pour la liberté d’expression et la dignité face à l’obscurantisme.
– Nikita –