Littérature américaine, Romans

La danse de l’eau

La danse de l’eau”, T-N. Coates, Fayard

Le grand essayiste afro-américain Ta-Nehisi Coates (« Une colère noire ») fait une première incursion réussie dans le territoire de la fiction dans le sillage de « Underground Railroad », des romans de Toni Morrison ou de « Washington Black ». A la clé : un récit hybride, grand roman initiatique d’aventure mâtiné de réalisme magique, avec une base historique solidement enracinée dans la Virgine des années 50-60, alors qu’à l’aube de la guerre de Sécession les domaines périclitent, les ressources de la terre presque épuisées par leurs maîtres.

On y suit le jeune Hiram, fils bâtard d’un maître de plantation et d’une esclave, dont la mémoire photographique exceptionnelle n’a qu’un angle mort : sa mère, dont il est incapable de conjurer l’image, vendue lorsqu’il était enfant. Un personnage très attachant, à la frontière entre deux mondes, et un narrateur qui permet à Coates de nous livrer des portraits très fins de psychologie ainsi que de délivrer toute la puissance de son lyrisme dans des passages d’archéologie mémorielle et émotionnelle impressionnants. On progresse couche après couche, comme des cercles sur l’eau, en équilibre entre la cruauté de la réalité de l’esclavage et de la séparation des familles, et puis la tendresse, l’espoir, l’émancipation à travers le pouvoir du souvenir et de la narration.

Au cœur battant de ce récit, la liberté bien sûr, celle qu’on obtient en prenant en main son destin, mais c’est un autre Maître avec ses propres exigences ; et puis le lien, la famille, de sang ou de cœur, qui passe par la mémoire. Et le talent d’écrivain-forgeron de Coates, qui cisèle si bien ses mots qu’on a envie de garder plein de citations pour y revenir plus tard – je regrette de n’avoir pas eu un bloc-notes sous la main à la lecture !

– Nikita –

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