“Céleste”, C. Cruchaudet, Soleil/Noctambules

Chloé Cruchaudet (« Mauvais genre », « L’herbier sauvage ») nous offre une fois encore un album d’une élégance et d’une finesse rares ! On plonge dans l’intimité de Proust, ses manies, son processus créatif, à travers sa relation singulière avec sa bonne, Céleste. D’oie blanche un peu maladroite débarquée de sa campagne, cette femme de l’ombre passera à cerbère qui n’hésite pas à rembarrer les représentants de Gaston Gallimard.
Un duo improbable en pleine atmosphère parisienne d’avant-guerre, dans le huis-clos d’un appartement haussmannien où Cruchaudet peut laisser libre cours à son art ciselé du dialogue tout comme à un découpage tout en légèreté, des traits envolés et une jolie palette de couleurs douces et évanescentes. Les cases se font discrètes pour permettre de magnifiques passages oniriques et sensoriels entre souvenirs et introspection, des moments de plongée très graphique dans un « monde intérieur » qui sont à eux seuls une belle démonstration de ce que la BD peut faire comme aucun autre art (bien mieux que le cinéma !) pour bâtir un pont entre les mots et l’image. Et donc avec la littérature. Quoi de mieux pour parler de l’oeuvre de Proust – et sa fameuse madeleine dont surgissent tant de réminiscences ? De quoi briser l’image intimidante qu’on peut avoir de « La recherche du temps perdu ». Vivement la suite et fin du diptyque !
– Nikita –